Etre proches aidants, c’est être proches aimants. On entre dans ce cercle sans y être préparé, sans savoir que c’est un long, long voyage sans retour et qu’on n’en voit jamais le bout. Moi, j’ai commencé avec mes parents, durant 10 années. Médecins, téléphones, hôpitaux, attente, retour maison, retour urgences, retour maison, retour urgences. Jusqu’à la fin, avec le sentiment qu’on aurait pu faire plus ou mieux, qu’on n’a peut-être pas assez insisté pour avoir les bons interlocuteurs. Et on se sent nul, perdu, rejeté par un monde médical froid, structuré, restructuré et re-restructuré. Plus de place pour l’humain, pas de place pour le proche. Jusqu’à la fin. Une chambre froide, palliative, où la mort finit par l’emporter. Et puis, juste après, on recommence. Avec une personne plus jeune, qui va pouvoir se défendre, dire ce qu’il ressent dans un combat où il faut être fort, soutenu. On se dit que cette fois, on fera attention, que la communication sera prioritaire. Et plouf, on replonge. Médecins, téléphones, hôpitaux, attente, retour maison, retour urgences, retour maison, retour urgences. Tous ces « Vous êtes qui par rapport au patient », vous plombent le moral. Toujours un autre médecin, un nouveau service, une nouvelle chambre, les erreurs médicales qu’il faut pardonner, l’information inadéquate dont il faut se satisfaire et qui provoque des effets secondaires qui seront permanents. Et vous voyez votre « qui » plonger petit à petit, jouer le jeu du pantin qu’on lui a assigné et qui finit par lui coller à la peau. Tout ce à quoi il se raccroche disparaît. Il voit de moins en moins ses collègues, ne va plus sur le terrain, donne des directives par téléphone, s’isole, s’enferme. Vous tirez la sonnette d’alarme, mais personne ne vous écoute. Et vous voyez votre compagnon s’enliser, changer, devenir une ombre, ne plus rien demander, dormir en espérant ne plus se réveiller. Ces 4 dernières années ont été un enfer, je me sens perdue, face à un mur. Le temps ne change rien. Le combat reste incertain, car les services se passent le patient qui n’est qu’un numéro, puis le refilent à d’autres hôpitaux. On m’a dit dans un service d’urgences, que « Monsieur était assez grand pour savoir ce qui était mieux pour lui » et aussi « Ici, Madame, on sauve des vies, on ne guérit pas », « Monsieur est un patient difficile ». Alors, moi, comme proche-aidante, je craque. On ne peut pas combattre la maladie avec seulement des robots et des cobayes, ni miser la prise en charge des patients sur la qualité des soins, la communication, l’accueil de la famille, la formation d’une soi-disant équipe chirurgiens-patient-proches. Ce n’est rien d’autre que de l’indifférence. Et le pire, c’est qu’on y croit. Toutes ces années de lutte constante ont finit par me rendre vraiment malade. Et pour moi, il n’y aura pas de proche-aidant. Fin.